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2010-2011. DYNAMIQUES SOCIOLINGUISTIQUES DES PARLERS (DE) JEUNES EN SITUATIONS URBAINES FRANCOPHONES (AUF)

Action de recherche en réseau de l’Agence Universitaire de la Francophonie

 

« Dynamiques sociolinguistiques des parlers (de) jeunes en situations urbaines francophones Circulation des normes partagées et émergences de normes spécifiques »

Dirigée par Thierry Bulot (Université de Rennes 2)

1. Justification du projet et description de ses objectifs

1.1 L’objet de recherche et la demande sociale

  • Dans un contexte francophone, soit les parlers (de) jeunes sont souvent perçus comme une menace par les tenants d’une langue française immobile, soit ils sont présentés comme le creuset des nouveaux usages langagiers ; il semble qu’ils constituent – en termes de discours – à la fois le pire de l’avenir d’une langue (la disparition du beau langage par la contamination issues des parlers des jeunes sans respect pour l’institution) et à la fois le meilleur d’une langue (le trésor dans lequel voire pour lequel le génie d’une langue se manifeste).

  • C’est à la fois un terme, une étiquette, une dénomination sociale tantôt minorante, tantôt valorisante qui permet de circonscrire un groupe (partiellement générationnel) voire de l’inscrire dans des relations spécifiques au langage, aux langues et à la spatialité marquée par la culture urbaine (Bulot, 2007a) et c’est à la fois un ensemble de pratiques langagières qui font identité (Ledegen et Bulot, 2008) pour un ensemble très variable de locuteurs déclarés ou non déclarés. Dans les deux cas, il s’agit de faire cas de l’ethnicisation des rapports sociaux (ce qui est en partie attestable par des observations directes pour les villes françaises et sans doute plus largement dans les situations francophones) pour ne pas rendre compte d’une ségrégation socio-spatiale liée à la paupérisation d’une société et aux effets négatifs de la mondialisation (Duysen et Jumel, 2008).

  • On sait en tout cas qu’il n’existe pas un parler jeune (comme une unique variété homogène), mais autant de pratiques différenciées normées que les stratégies identitaires de chacun requièrent (Caubet et alii, 2004). Les parlers (de) jeunes sont de fait les traces urbaines des nouvelles formes d’exclusion où la connaissance de la langue – en fait de la variété dominante – pour réussir son intégration sociale reste en discours la condition indispensable et quasi rédhibitoire mais où, en pratique, cette connaissance renvoie conjointement à une connaissance dévalorisée et surtout frustrante de la langue dominante quasi-exogène.

  • La demande sociale concernant les parlers (de) jeunes renvoie ainsi très concrètement à la difficulté de penser durablement les espaces urbains et leur normalisation dès lors que les pratiques linguistiques posées comme les plus vivaces en discours sont celles qui sont stigmatisées (Ledegen, 2001). En d’autres termes, comment parier sur l’avenir d’une communauté sociale dès que les pratiques des plus jeunes sont conjointement idéalisées et rejetées (Eyquem, 2008).

  • En référence à la proposition théorique de Marc Augé (Augé, 1992) relative à une approche anthropologique de l’espace et de son appropriation, les parlers (de) jeunes) sont ainsi caractérisés (Bulot, 2007b) par un excès de temps. Par la médiatisation dont ils sont l’objet (Randriamarotsimba, 2007), ils précipitent la perception sociale du changement synchronique et dès lors de l’émergence des normes. Par un excès d’espace. Les parlers (de) jeunes, par le rapport aux migrations qu’on leur construit comme spécifique et exclusivement remarquable, mettent en avant la surabondance des langues et des variétés dans l’espace urbain perçu. Par un excès de l’ego. Les parlers (de) jeunes montrent comment des variétés se singularisent au point de fonctionner comme des langues par les rapports accrus à l’identification et à la différenciation.

1.2 Objectifs

  • Les travaux sur la question de l’émergence de normes spécifiques (Ledegen, 2007) en contexte francophone font état d’une dynamique / dialectique sociolinguistique singulière entre les pratiques relevant de la diversité des normes partagées et celles relevant du partage effectif des normes.

  • C’est pourquoi le projet envisage d’évaluer, au regard des situations urbaines et francophones distinctes (Alger et Béjaià/ Algérie, Dschang et Douala/ Cameroun, Saint-Denis de La Réunion/ La Réunion, Antananarivo/ Madagascar, Hanoï/ Vietnam) plusieurs objectifs de recherche spécifiques et originaux parce que liant systématiquement les espaces urbains comme vecteurs/ facteurs de normalisation socio-langagière avec des pratiques dites jeunes parce que marquées par la tension entre le local et le global (Robertson, 1995 et Bierbach/ Bulot, 2007).

 

  • ​Reformulés, ces objectifs généraux sont les suivants :

    • Nous souhaitons savoir dans quelle mesure les parlers (de) jeunes, construits comme des formes générationnels et/ou sociales différenciées, s’inscrivent ou non dans la tension entre le local et le global (glocalisation) selon les contextes urbains et nationaux (ce qui implique des descriptions contrastées).
    • Nous souhaitons savoir en quoi ces pratiques constituent ou non les traces urbaines (Nguyen, 2008) des changements culturels et sociaux (notamment les discours et pratiques liées à la mondialisation) en cours dans un contexte francophone et donc de plurilinguisme (par exemple dans les choix graphiques des SMS).

    • Nous souhaitons savoir si, par la référence à la culture urbaine qui les portent dans les représentations sociales, les parlers (de) jeunes sont effectivement et systématiquement les formes émergentes, voire les langues émergentes (Feussi, 2008 a et b ; Tsofack 2007), des espaces de prescriptions socio-langagières que sont les métropoles urbaines ?

    • Le quatrième et dernier objectif est de confronter une approche scientifiquement très ancrée dans la francophonie avec un terrain jusqu’alors inédit (le Vietnam) qui peut remettre en cause et/ou confirmer les travaux déjà menés et enrichir ceux à venir.

2.Présentation des aspects méthodologiques (problématique, sources de données et méthodes utilisées)

2.1 Problématique

  • Étant posés la différenciation des espaces francophones urbains et le constat d’une congruence des dynamiques sociolinguistiques relevant des parlers dits de jeunes, la question centrale du projet est la suivante :

  • Compte tenu des connaissances

    • sur ce qu’il est convenu – en dépassant l’ethnocentrisme fondateur de l’Ecole de Chicago – de nommer la culture urbaine (Bulot, 2007),

    • sur la façon dont les discours sur l’espace et les discours sur les langues permettent de cerner la façon dont les identités urbaines (Ledegen et Bulot, 2008 ; Eyquem, 2008) prennent sens et se construisent, que révèlent les parlers (de) jeunes – au delà de toute vision irénique des phénomènes urbains – de la nécessité, de la volonté d’affirmer, par le jeu de la mise en tension des frontières urbaines et linguistique, une appropriation radicale d’une identité sociolinguistique en crise (Bulot et Lounici, 2007) ?

2.2 Sources de données

  • Sur l’ensemble des sites envisagés (hors Hanoï) , le projet dispose déjà de corpus existants (Ledegen, Eyquem, Randriamarotsimba, Feussi, Lounici, Tsofack) concernant, outre les discours, les pratiques jeunes (ce qui permet de penser la confrontation des formes) dans les médias, dans la chanson, dans la bande dessinée, dans l’espace public, l’affichage … toujours dans un contexte global de contacts de langue incluant le français, quels que soient ses formes et usages.

  • Par ailleurs, comme le projet fait intervenir un terrain encore très peu investi (autant pour la connaissance des pratiques dites jeunes que pour la connaissance des espaces urbains francophones), une partie inédite du corpus sera constituée par la description des pratiques dites jeunes à Hanoï et un recueil d’attitudes langagières sera mené. La réflexion méthodologique sur l’observation des pratiques francophones au Vietnam est déjà engagée (Nguyen, 2008) et pourra ainsi s’enrichir et enrichir les réflexions existantes.

  • Des recueils complémentaires de pratiques (entretiens et repérages des marquages linguistiques et langagiers) sur Béjaià, Dschang et Antananarivo sont également prévus.

  • L’objectif méthodologique de ces temps de recueil est de rendre compte de la complexité des faits relevant de la mémoire sociolinguistique (Bulot, 2004) dans des espaces discursivement annoncés comme proches car urbains quand ils sont nécessairement diversifiés par les langues en contacts, les rituels communicatifs et l’épaisseur identitaire des espaces urbains.

2.3 Méthodes utilisées

2.3.1 La méthode générale de travail

  • a) Présentation des travaux déjà faits par les membres de l’équipe du projet avec, entre autres, mutualisation des corpus recueillis et confrontation collaborative autour des concepts.

  • b) Comparaison des corpus recueillis sous l’angle

    • Des formes urbaines des lieux de recueil,

    • Des formes langagières observées et des formes linguistiques en œuvre,

    • Des contacts de langues et de culture observées et / ou dites

  • c) Mise en place collaborative (conférences et discussions via le réseau Internet et/ visio- conférences) du recueil des données sur le terrain vietnamien pour, en lien avec les spécificités dudit terrain, élaborer un questionnement situés des usages.

2.3.2 La méthode spécifique est la suivante

  • Pour chacun des sites urbains envisagés, chaque chercheur inscrit dans le programme est, de fait, le référent d’un groupe de personnes (dont lui) limité à 2 / 3 unités. Le principe étant que le référent (cf. les chercheurs ayant rempli la fiche de renseignements personnels) associe de manière privilégiée un jeune chercheur (doctorant voire excellent masterant) au projet (voir ci-dessous la composition de l’équipe).

2.3.3 La composition de l’équipe (membres permanents)

  • Par ordre alphabétique des sites :

    • Alger/Béjaia (Référent : Assia Lounici MC) : Assia Lounici (MC), Aissa Boussiga (Doctorant-Alger MA/ EDAF), Lydia Benbelaid (Doctorante-Béjaia MA/ EDAF), Hakim Bourkani (Doctorant-Béjaia MA/ EDAF).

    • Antananarivo (Référent : Vololona Randriamarotsimba MC) : Vololona Randriamarotsimba (MC)

    • Douala/ Dschang (Référent : Valentin Feussi MC) : Valentin Feussi (MC), Jean-Benoit Tsofack (MC), Venant Eloundou Eloundou (Doctorant)

    • Hanoï (Référent : Nguyen Van Dung (PR)) : Nguyen Van Dung (PR), Nguyen Thanh Khue (MC), Dang Thi Thanh Thuy (Doctorante MA)

    • Saint-Denis de La Réunion (Référent Gudrun Ledegen MC) : Gudrun Ledegen (MC), Mylène Eyquem-Lebon (MC)

 

Et Thierry Bulot (PR) Responsable scientifique de l’action de recherche en réseau, soit au total 14 chercheurs dont 5 jeunes chercheur-es doctorant-es

 

2.3.4. Membres associés (sans financement)

 

  • Sont associé-es pour leur compétences scientifiques spécifiques

    • Alena Podhorná-Polická (MC), Université Masaryk de Brno, République tchèque
    • Anne-Caroline Fiévet (docteur en sciences du langage), université de Paris-Descartes
    • Tran Phung Kim (MA), Ecole supérieure de langues étrangères (ESLE) - Université nationale de Hanoi - Vietnam
    • Le Thi Minh Phuong (MA), Ecole supérieure de langues étrangères (ESLE) - Université nationale de Hanoi - Vietnam
    • Nesrine Mahrouche (MA/EDAF), université de Béjaia (Algérie)

 

3. Calendrier d’exécution

 

  • Janvier 2010-mai 2010. Présentation et diffusion des travaux déjà faits par les membres de l’équipe du projet avec, entre autres, mutualisation des corpus recueillis et confrontation collaborative autour des concepts. Élaboration d’une grille de comparaison des corpus.

  • Juin 2010-septembre 2010. Comparaison des corpus recueillis (descriptions comparées) selon la grille produite à l’étape précédente.

  • Octobre 2010-novembre 2010. Élaboration d’un rapport par site urbain (pour chaque chercheur).

 

  • Décembre 2010. Délivrance du premier rapport intermédiaire « description comparée » au responsable du projet pour diffusion à l’ensemble des partenaires et à l’AUF.

 

  • Janvier 2011-février 2011. Mise en place collaborative (conférences et discussion via le réseau Internet) du recueil des données sur le terrain vietnamien pour, en lien avec les spécificités dudit terrain, élaborer un questionnement situés des usages.

 

  • Mars 2011-mai 2011. Recueil des données au Vietnam. Complément d’enquête sur les autres sites.

 

  • Juin 2011-septembre 2011. Mutualisation finale. Phase de comparaison suite aux recueils de nouveaux corpus

 

 

  • Décembre 2011. Rédaction et délivrance du rapport

 

 

5. Bibliographie sommaire

  • AUGÉ M., 1992, Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité. Le Seuil (Coll. La librairie du XXe siècle), Paris, 149 pages.

  • BIERBACH C., BULOT T. (Dirs.), 2007, Les codes de la ville (Cultures, langues et formes d’expression urbaines), L’Harmattan, Paris, 300 pages.

 

  • BULOT T. (Dir.), 2004, Les parlers jeunes (Pratiques urbaines et sociales). Cahiers de Sociolinguistique 9, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 176 pages.

 

  • BULOT T., 2007a, « Culture urbaine et diversité sociolinguistique : une identité en mouvement entre le local et le global », dans L’écho de ma langue ((enjeux sociaux et culturels de la diversité des langues), Lille, 31-37.

 

  • BULOT T., 2007b, « Les parlers jeunes comme objet de recherche. Pour une approche de la surmodernité en sociolinguistique », dans Pratiques linguistiques des jeunes en terrains plurilingues, Université de La Réunion, L’Harmattan, Paris, 11-23.

 

  • BULOT T., LOUNICI A. (Dirs.), 2007, Ségrégation spatio-linguistique (Dynamiques socio-langagières et dit habitat populaire), ATFALONA/DKA, Alger, 288 pages.

 

  • CAUBET D., BILLIEZ J., BULOT T., LÉGLISE I. et MILLER C. (Eds.), 2004, Parlers jeunes, ici et là-bas. Pratiques et représentations, Paris, L’Harmattan, 290 pages.

 

  • DUYSEN Van J.-C. et JUMEL S., 2008, Le développement durable urbain, L’Harmattan, Paris, 174 pages.

 

  • EYQUEM M., 2007, « La construction de l’espace urbain réunionnais par la représentation sociolinguistique : quatre quartiers de Saint-André de La Réunion », dans Ségrégation spatio-linguistique. Dynamiques socio-langagières et habitat dit populaire, ATFALONA/DKA, Alger, pp. 233-260.

 

  • EYQUEM M., 2008, « Attitudes langagières et positionnement identitaire dans une ville de l’Est de La Réunion », dans Normes identitaires et urbanisation, Cahiers de sociolinguistique n°13, Université de Rennes, pp. 133-146.

 

  • FEUSSI V., 2008a, Parles-tu français ? Ça dépend … Penser - Agir - Construire son français en contexte plurilingue - Le cas de Douala au Cameroun, Paris, L’Harmattan, Espaces Discursifs.

 

  • FEUSSI V., 2008b, « Le francanglais comme construction socio-identitaire du « jeune » francophone au Cameroun », dans Le Français en Afrique N° 23, pp. 33-50.

 

  • LEDEGEN G. (Dir), 2007, Pratiques linguistiques des jeunes en terrains plurilingues , L’Harmattan (Collection Espaces Discursifs), Paris, 300 pages.

 

  • LEDEGEN G., BULOT T. (Dirs.), 2008, Normes identitaires et urbanisation (Des catégories discursives et des villes), Cahiers de Sociolinguistique 13, Presses Universitaires de Rennes, Rennes, 167 pages.

 

  • LEDEGEN G.,(Dir.) 2001, Les parlers jeunes à la Réunion, Travaux et Documents 15, Université de la Réunion., 190 pages.

 

  • LOUNICI A., 2006, « Précarité et ségrégation soci-langagière. Discours et fractures sociales dans l’espace urbain algérois » Mots, Traces et Marques. Dimension spatiale et linguistique de la mémoire urbaine,L’Harmattan, Coll espaces discursifs,, pp.123-142.

 

  • NGUYEN V. D., 2008, « Des enseignes à Hanoï et Hochiminh-Ville : nouveau contenu pour l’observation du français au Vietnam », dans Actes du Séminaire International sur la méthodologie d’observation de la langue française dans le monde (juin 2008), Paris, AUF-OIF, 221-235.

 

  • RANDRIAMAROTSIMBA V., 2007, « Contacts de langues et de cultures, le discours radiophonique sur le rap à Antananarivo », in Pratiques linguistiques des jeunes en terrains plurilingues, Paris, L’Harmattan, Coll. « Espaces discursifs », pp. 261-294.

 

  • ROBERTSON R (1995) : « Glocalization : Time-Space and Homogeneity-Heterogeneity », dans : Featherstone, Mike/ Lash, Scott/ Robertson, Robert (Hg.), Global Modernities. London : Sage Publications, 25-44.

  • TSOFACK J.B., 2007, , « Espace de ville et territoire linguistique : le camfranglais, un parler émergent au Cameroun », in Interculturel, Revista interdisciplinare dell’Alliance Française Associazione culturale italo-francese, n° 11, Lecce (Italie), pp 255-273.

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