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1994-1998 MISES EN MOTS DES FRACTURES URBAINES

Thierry BULOT et Nicolas TSEKOS

 

1. Participations

Participants institutionnels :
Thierry Bulot (Maître de Conférences/ Rouen), Nicolas Tsekos (Thésard/ Rouen), Gabrielle Gamberini (Lectrice/ Université de Venise), Sybille Grosse (Assistante, Université de Potsdam).

 

Participants occasionnels (sur actions de l’opération) :
Claude Caitucoli (Professeur/ Rouen), Foued Laroussi (Maître de Conférences/ Rouen), Fabienne Leconte (Docteur/ Rouen), Amel Kachouri, Fabienne Méliani, Michelle Van Hooland (Doctorants/ Rouen).

 

2. Stade de réalisation (dates de début et de la fin)

L’opération a commencé en janvier 1994. En novembre 1996, l’ensemble des corpus pour Athènes, Berlin et Venise a sa forme définitive, et les articles rédigés (rendant compte de chacune des recherches) sont disponibles pour octobre 1998 (il sera fait alors lecture collective de chacun d’eux). L’article sur Rouen connaît la même échéance finale.

 

Pour la part rouennaise : Les données pour la pré-enquête ont été recueillies, transcrites et analysées pour décembre 1995 sur l’ensemble des sites envisagés. Fin 1996 le protocole de recueil pour l’enquête quantitative a progressivement été mis en place et le recueil lui-même a commencé en février 1997. Se déroulent parallèlement la fin de cette phase, la saisie des données et l’analyse proprement dite qui est actuellement terminée.

Qu’il s’agisse du terrain rouennais ou des autres villes, l’échéance est fixée à 1998.

3. Descriptif

3.1 Problématique 

 

La réflexion s’inscrit dans une perspective théorique de sociolinguistique urbaine et porte, en pratique, sur la représentation des fractures urbaines dans le discours des habitants de quatre villes de la Communauté Européenne : Rouen (France), Berlin (Allemagne), Venise (Italie) et Athènes (Grèce).

Une des spécificités du terrain urbain est que les habitants d’une ville ont conscience de leur appartenance à une entité qui est uniforme et isolable mais aussi complexe, dans la mesure où leur discours sur cette entité montre une constante construction / déconstruction de l’espace urbain. L’identité urbaine se définit par rapport à un processus dialectique entre conjonction / disjonction. Sont ainsi dénommées les fractures urbaines pour rendre compte de ce processus, en sachant qu’elles sont multiformes (géographiques, linguistiques, sociales, politiques, etc.). En bref, il s’agit de savoir comment les habitants de ces villes se représentent ces fractures, comment ils les mettent en mots ?

Concrètement :

 

Venise. La question de départ est celle-ci : quelles sont les tendances actuelles qui se dégagent du discours épilinguistique des Vénitiens ? Ce qui revient à énoncer trois nouvelles interrogations qui sont autant d’hypothèses : 1.Y a-t-il reconnaissance d’un vénitien dans la conscience des locuteurs ? 2. Comment se positionne ce parler vénitien par rapport à l’italien standard ? 3. Ces locuteurs ont-ils une conscience normative à l’égard de ce parler ? La disposition vénitienne en quartiers et la stratification sociale concomitante se traduisent dans la conscience épilinguistique par des discours normatifs structurants (production et reconnaissance d’une norme d’usage propre au lieu, facteur d’identité) et caractérisants/ stigmatisants (facteurs d’individuation entre "sestieri").

 

Athènes. Le terrain sociolinguistique grec est caractérisé par un renversement depuis 1976 d’une situation décrite en termes de diglossie entre une langue institutionnelle, la katharévousa , et une langue populaire, la dhimotiki. Ce changement a eu des répercussions importantes aussi bien sur les pratiques langagières que sur la représentation de ces pratiques. Par ailleurs, on constate une construction et une véhicularisation des normes autour des grands centres urbains dont Athènes qui tient sa spécificité de deux faits : son hégémonie glottopolitique d’une part et sa supériorité démographique remarquable d’autre part. Autour de l’hypothèse qu’il existe actuellement un conflit, au moins idéologique, entre les pratiques langagières et un modèle idéalisé de langue, procédant du poids de l’héritage culturel de l’Antiquité sur la construction de l’identité néogrecque se formulent trois questions : les locuteurs Athéniens ont-ils conscients de la variation, et si oui la hiérarchisent-ils ? Font-ils preuve d’une conscience normative et comment se construit-elle ? Dans quelle mesure intègrent-ils le discours dominant ?

 

Berlin. Le cadre général de la recherche s’organise autour d’une situation attestée sur les rapports d’emprunts du berlinois au français ; par ailleurs, il importe d’évaluer, dans une situation récente (au moment de recueil du corpus) de recomposition de la ville, les changements éventuels de sa configuration sociolinguistique. Partant du postulat que certains emprunts du berlinois au français peuvent en constituer des indicateurs, il s’agit de voir, à partir de ceux-ci, si la restructuration de l’espace urbain recompose de fait la conscience linguistique des locuteurs. Les hypothèses de travail sont les suivantes : 1.cette recomposition tend vers une nouvelle forme de stigmatisation du berlinois. 2.cette stigmatisation est due à des facteurs géopolitiques relevant de la disparition du Mur ?

 

Rouen. Partant du constat d’évidence qu’il n’y a pas recouvrement strict des pratiques linguistiques avec les localisations urbaines à Rouen mais qu’il existe une stigmatisation rive gauche/rive droite, la question posée à partir du cadre général de l’opération est double : 1.est-ce que les locuteurs rouennais sont conscients d’un parler spécifique à leur ville ? 2.l’organisation de l’espace urbain est-il susceptible d’influencer le sentiment épilinguistique de ces locuteurs ? L’objet scientifique d’une telle recherche, d’un tel questionnement est a fortiori de faire ressortir dans ses contradictions et convergences les attitudes de rejet, de stigmatisation, liées aux formes du français parlé à Rouen (France) et dans son agglomération.

 

Quelques exemples (d’abord la phrase embrayant sur l’identification, puis un ensemble complet pour une seule voix)

 

Ma mère, elle habite à Rouen

 

 

Salut, ça va ?....

3.2 Méthodologie (données recueillies)


L’unité méthodologique de l’opération vient du type d’enquête mené (épilinguistique) d’une part et de ce qui nous intéresse d’autre part : les attitudes des locuteurs. L’outil de questionnement qui rassemble chacune des approches est le paradigme d’évaluation du locuteur qui consiste à faire écouter aux enquêtés des échantillons verbaux différenciés par des éléments linguistiques uniquement. Dans la mesure où deux processus sont en jeu : identification d’un locuteur comme appartenant à un groupe et élicitation de stéréotypes sur ce groupe. Les données recueillies proviennent de la sorte d’entretiens semi-dirigés, et de questionnaires écrits.

3.3 Type d’analyse


Le type d’analyse varie évidemment suivant les villes mais demeure centrée sur le discours. A titre d’exemple, le corpus " rouennais " est traité pour la pré-enquête (menée par entretiens semi-dirigés) sur l’axe de la construction co-référentielle des catégories d’évaluation. Comment s’élabore en interaction des items relevant d’une évaluation sociale toujours opérante ? Pour l’enquête (menée par questionnaire), le corpus est envisagé quantitativement comme un ensemble d’échelle évaluatives relevant des différentes composantes des attitudes langagières.

3.4 Résultats


Deux publications collectives ont été prévues et ont abouti. L’une soumise en janvier 1997 au comité de rédaction d’Études Normandes est parue en janvier 1998 :

BULOT T. (Dir.), "Rouen : reconstruction, langages (Sociolinguistique normande : langues en ville)", Etudes normandes 1/1998, Association Etudes Normandes, Mont saint Aignan, 1998, 96 pages.

Sommaire de Etudes Normandes 1/1998

  • Langues en ville : une signalisation sociale des territoires (T. Bulot) Disponible en ligne

  • Les langues africaines dans l’agglomération de Rouen-Elbeuf (Claude Caitucoli, Fabienne Leconte)

  • Les représentations de l’espace urbain à Rouen (Parler rive gauche, Parler rive droite) (T. Bulot)

  • Comportements langagiers des "Maghrébins-francos" à St Etienne du Rouvray : la construction d’une identité mixte, (Fabienne Melliani, Foued Laroussi)

  • Pratiques langagières et questions identitaires d’une communauté exilée : la cas des Kurdes de Normandie (Salih Akin)

 

Plus un article de P. Pusateri (Architecte des Bâtiments de France) : "La reconstruction de Rouen à l’épreuve du temps"

Contact : Association Etudes Normandes / IRED/ 7 rue Thomas Becket, 76130 Mont Saint Aignan / France/ Tel.Fax. : 02 35 89 40 92.

 

L’autre publication (T. Bulot et N. Tsekos, Dir.) rassemble les interventions et corpus des "institutionnels" :

BULOT T. (Dir.) et TSEKOS N., Langue urbaine et identité (Langue et urbanisation linguistique à Rouen, Venise, Berlin, Athènes et Mons), L’Harmattan, Paris,1999, 234 pages.

 

L’opération permet de mettre à l’épreuve une méthodologie de questionnement du fait urbain. Fondée sur la distinction initiale et conceptuelle des fractures spécifiquement urbaines, l’opération met à l’épreuve les notions de mobilité (linguistique), d’urbanisation et de territoire par l’ancrage nécessaire des recherches en sociologie urbaine et géographie sociale, notions que l’on retrouve dans l’opération Mobilité linguistique et dynamique des territoires.

4. Valorisation

 

Interview pour le Paris-Normandie (mars 1998). Publication de l’article Langage : « parle-moi et je te dirais d’où tu viens » , dans le Paris-Normandie du jeudi 5 mars 1998, page 2.

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